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La littérature scandinave

17 octobre 2006

Doppler

dopplerUn quatrième roman d'Erlend Loe, écrivain norvégien contemporain, est paru récemment aux éditions Gaïa: Doppler.

Doppler, norvégien appliqué, fait une chute à vélo en pleine forêt peu après le décès de son père. Réalisant d'un coup la vanité de son existence de "norvégien moyen" - centrée autour de son travail, ses prétendus amis, sa famille et les emplettes hebdomadaires au supermarché - il décide de tout plaquer et d'élire résidence en forêt. Il n'aime pas les gens.

C'est donc un Doppler chasseur-cueilleur que nous découvrons au fil des pages de ce roman... Campant donc dans en pleine forêt, il se lie rapidement d'amitié avec Bongo, un élan adolescent dont il a abattu la mère pour se nourrir. Malgré ce refuge sylvestre, il ne pourra échapper aux incursions de sa famille et, même, de l'espèce humaine qu'il aime le moins: "le mec de droite".

Derrière un scénario décalé et loufoque se cache une impitoyable critique de la société norvégienne et, partant, du mode de vie occidental. Ce qui aurait pu n'être, sous une autre plume, qu'une critique convenue de la société de consommation ou de l'abrutissement médiatique des masses, devient une parodie caustique et acerbe...

Drôle, prenant et propice à la réflexion!

Extrait 1:
"Pendant des décennies, j'ai pataugé dans cette mare d'application. Je me suis réveillé dedans, et je me suis endormi dedans. Je respirais l'application, j'ai respiré de l'application et, peu à peu, j'ai perdu la vie. [...] Que Dieu interdise à mes enfants d'être aussi appliqués que moi." p. 52.

Extrait 2:
"Certains parents s'interrogent sur la question de l'alcool. Je lève la main pour suggérer que les élèves aient la permission de boire un peu, peut-être? Oui? Non, les autres parents trouvent que non, quand même. Allez, quoi, dis-je. Laissez ces pauvres gamins se bidonner. Laissez-les se biturer au point qu'ils ne retrouvent le chemin de l'hôtel qu'à l'aube, après un parcours du combattant [...]" p. 88.

Extrait 3:
"Je n'aime pas ta façon de penser, je n'aime pas ta façon de t'habiller, je n'aime pas ton chien, et surtout je n'aime pas ton rictus suffisant qui déforme le coin de ta bouche. C'est un rictus que seuls une considérable sécurité matérielle et un invariable vote à droite peuvent susciter." pp. 106-107.

Note: 5/5.

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17 octobre 2006

Le départ des musiciens

d_part_musiciensLe départ des musiciens de Per Olov Enquist est paru en poche en octobre 2006 dans la collection Babel des éditions Actes Sud.

Ce roman, basé sur des faits avérés et touchant directement la famille de l'auteur, nous conte une page peu connue et, il faut bien le dire, difficilement imaginable au premier abord, de l'histoire de la Suède. En effet, admiratifs du "modèle suédois" et de son état-providence à nul autre pareil, on oublie facilement que les ouvriers suédois ont dû, eux aussi, se battre pour en arriver là, que cela n'a pas toujours été comme ça...

Les ouvriers du Västerbotten - l'une des provinces les plus septentrionales du pays - ont, au début du vingtième siècle, pour seuls employeurs possibles, les compagnies forestières. Ces compagnies, s'appuyant tant sur la complaisance de l'Etat que sur la complicité de l'Eglise luthérienne, imposent des conditions de travail extrêmement dures à leurs ouvriers, qui ont de la peine à nourrir leurs familles.

Per Olov Enquist retrace avec force la vie des syndicalistes professionnels, confrontés non seulement à l'hostilité des patrons, mais souvent également à celles des ouvriers, le long processus qui a conduit ces derniers à ne plus considérer les socialistes comme des ennemis, le pouvoir des briseurs de grève - ces agriculteurs que les entreprises engageaient momentanément pour remplacer les grévistes, l'impossibilité pour les ouvriers les plus engagés de retrouver du travail... Le tout à travers l'histoire plus particulière d'une famille, dont le destin tragique illustre de manière remarquable cette époque.

Le 17 septembre 2006, alors que la gauche perdait la majorité sur le plan national, le parti social-démocrate a encore obtenu, à lui tout seul, 44% des suffrages dans le Västerbotten et 51% dans le Norrbotten... Car aujourd'hui, ironie de l'histoire, le Nord de la Suède est un bastion social-démocrate!

Note: 4/5.

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