Doppler
Un quatrième roman d'Erlend Loe, écrivain norvégien contemporain, est paru récemment aux éditions Gaïa: Doppler.
Doppler, norvégien appliqué, fait une chute à vélo en pleine forêt peu après le décès de son père. Réalisant d'un coup la vanité de son existence de "norvégien moyen" - centrée autour de son travail, ses prétendus amis, sa famille et les emplettes hebdomadaires au supermarché - il décide de tout plaquer et d'élire résidence en forêt. Il n'aime pas les gens.
C'est donc un Doppler chasseur-cueilleur que nous découvrons au fil des pages de ce roman... Campant donc dans en pleine forêt, il se lie rapidement d'amitié avec Bongo, un élan adolescent dont il a abattu la mère pour se nourrir. Malgré ce refuge sylvestre, il ne pourra échapper aux incursions de sa famille et, même, de l'espèce humaine qu'il aime le moins: "le mec de droite".
Derrière un scénario décalé et loufoque se cache une impitoyable critique de la société norvégienne et, partant, du mode de vie occidental. Ce qui aurait pu n'être, sous une autre plume, qu'une critique convenue de la société de consommation ou de l'abrutissement médiatique des masses, devient une parodie caustique et acerbe...
Drôle, prenant et propice à la réflexion!
Extrait 1:
"Pendant
des décennies, j'ai pataugé dans cette mare d'application. Je me suis
réveillé dedans, et je me suis endormi dedans. Je respirais
l'application, j'ai respiré de l'application et, peu à peu, j'ai perdu
la vie. [...] Que Dieu interdise à mes enfants d'être aussi appliqués
que moi." p. 52.
Extrait 2:
"Certains
parents s'interrogent sur la question de l'alcool. Je lève la main pour
suggérer que les élèves aient la permission de boire un peu, peut-être?
Oui? Non, les autres parents trouvent que non, quand même. Allez, quoi,
dis-je. Laissez ces pauvres gamins se bidonner. Laissez-les se biturer
au point qu'ils ne retrouvent le chemin de l'hôtel qu'à l'aube, après
un parcours du combattant [...]" p. 88.
Extrait 3:
"Je
n'aime pas ta façon de penser, je n'aime pas ta façon de t'habiller, je
n'aime pas ton chien, et surtout je n'aime pas ton rictus suffisant qui
déforme le coin de ta bouche. C'est un rictus que seuls une
considérable sécurité matérielle et un invariable vote à droite peuvent
susciter." pp. 106-107.
Note: 5/5.